Léo 6
Ecouter son cœur ?


Décontenancé, Léo essaye de suivre le cours de danse avec autant de concentration que possible. Il a bien compris les postures de première, seconde et troisième mais les enchainer en rythme, en même temps que les autres élèves bien plus aguerries que lui, c’est autrement plus difficile qu’il ne l’imaginait. Il commence à perdre confiance et ne parvient plus à se focaliser sur la voix de l’enseignante. Pauline remarque son abattement et, s’approchant de lui, guide ses gestes avec beaucoup de douceur en lui conseillant de faire abstraction des jeunes filles : seuls la musique et le mouvement comptent, il faut qu’il se laisse envahir par le son cristallin des notes de piano. Comme il y s’agit de son tout premier cours, elle lui explique qu’elle a choisi la musique douce, lente et apaisante d’Erik Satie. Ainsi, il peut prendre le temps d’apprivoiser les mouvements, sans précipitation. La présence rassurante de Pauline l’apaise et elle le félicite pour son équilibre et son maintien. Ces compliments le rassurèrent… Mais alors qu’il vacille et manque de tomber en essayant de faire une arabesque sans s’aider de la barre, il entend l’une des filles s’esclaffer. Pauline, sans même jeter un regard derrière elle pour découvrir de quelle ballerine moqueuse il s’agit, s’écrit : « Zoé ! Si tu prenais garde à tes épaules et ton menton au lieu de fixer ton attention sur ton camarade !? » Aussitôt le calme revient et la séance se poursuit sans heurt. A la fin du cours, le groupe d’adolescentes sort de la salle tel une nuée d’étourneaux au milieu de rires et de bavardages, saluant Pauline avec bonne humeur au passage, mais en ignorant ostensiblement le pauvre Léo resté en arrière.
Le jeune garçon a adoré cette première séance, il est d’ailleurs en admiration devant Pauline si raffinée et gracieuse dont la pédagogie respectueuse lui convient parfaitement. Cependant, l’accueil froid, distant, voire hostile des ballerine a mis à mal son enthousiasme et a blessé son amour propre. Il trouve tellement injuste de se sentir exclu pour la seule raison qu’il est un garçon.