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Charlie 6

Charlie ne veut pas se disputer avec Nathalie

L’agacement dans la voix de Nathalie est perceptible ce qui a le vice de glacer plus encore la pauvre Charlie. Lui tournant le dos, celle-ci serre les poings, soupire avec lassitude et, ravalant la colère qui commençait à gronder en elle, elle répond avec vivacité : « Oui, c’est bon, je prends évidemment le lit du bas. Tu veux celui du haut, vas-y, je m’en fiche. » Charlie pense à part elle qu’elle n’aurait de toute façon pas choisi le lit du haut parce qu’effectivement y monter aurait été difficile, et que descendre aurait sans doute été pire encore. Surtout sous le regard de Nathalie. C’est l’impression que personne ne lui donne le choix qui la frustre, tout comme ce qu’elle ressent comme un mépris à peine déguisé. « Oh là là ! Mais qu’est-ce que tu as ? Je te demande juste si je peux prendre le lit du haut, c’est tout ! Pas la peine de me répondre sur un ton pareil ! » Puis, plus bas, pour elle-même, la belle jeune fille ajoute : « Eh bien, ça va être sympa comme séjour… Si tout ce que je dis est mal pris, super… » Charlie ne répond rien, se réfugiant dans le silence qu’elle pense être la meilleure arme pour disparaître face à celles et ceux qu’elle considère comme des personnes malveillantes.


La discussion est close. Chacune entreprend de ranger ses affaires. La jolie Nathou chantonne, grimpe telle une chatte sur son lit du haut pour y déposer sa nuisette, redescend tout aussi gracieusement, virevolte dans la chambre sans tenir compte de sa camarade. Cessant son papillonnage entre la salle de bain et la chambre, son lit et la penderie, elle pose devant le miroir, une robe sur cintre dans chaque main. Elle fait passer l’une puis l’autre, puis la première encore, devant son corps avec une moue réfléchie. Tout aussi brusquement que lors de leur dernier échange, la belle se tourne vers Charlie désespérée devant le contenu terne et large de son sac de voyage : « Hummm… Tu en penses quoi ? Pour ce soir, je mets la rouge ou la bleue ? J’ai tendance à préférer la rouge. C’est ma couleur après tout… Mais j’ai peur qu’elle soit un peu trop moulante et qu’elle me fasse des grosses fesses… Pffff… Je ne sais pas quoi mettre… La bleue, elle est bien, mais je n’ai pas pris le bon foulard pour mes cheveux et il est hors de question que je n’en porte pas… Hummm… » Charlie est abasourdie par les propos de sa compagne de chambre. Comme peut-elle oser parler de « ses grosses fesses », elle qui rentre dans du 34 ?! C’est à coup sûr encore une insulte masquée sous le couvert d’une conversation normale. Charlie ne connaît que cela chez elle : elle sait reconnaître lorsque l’on veut la mettre mal à l’aise et la renvoyer à l’abondance de ses formes. C’est donc ce qu’elle craignait : elle se retrouve, comme chez elle, en compagnie d’une peste arrogante, acerbe et mesquine.


Charlie répond que la rouge est très bien, tout en allant s’enfermer dans la salle de bain sans un regard pour les tenues de Nathalie. Celle-ci répond, dans le vide : « Oui, c’est clair, la rouge… Mais, tout de même, elle me fait un sacré derrière… Bon, il fera sans doute un peu sombre, ça passera… Allez, la rouge ! » La couleur du visage de Charlie, loin d’être assortie à la robe de son élégante et fine colocataire de séjour, vire au vert. La jalousie lui provoque des nausées. Cette fille a osé lui parler, à elle, Charlie, de ses « grosses fesses !? » Elle qui ne pourrait même pas passer un seul de « ses jambons de petit cochon de lait » dans ce bout de tissu ridicule ! Si sa mère avait assisté à la scène !? Elle n’ose même pas imaginer les horreurs qu’elle aurait été obligée d’écouter dans une longue litanie de reproches, humiliations et comparaisons avec Jennifer. Elle aimerait bien pouvoir se pavaner dans de jolies robes rouges moulantes, elle aussi, mais comment maigrir ? Sa mère l’a trainée de médecins en nutritionnistes, de magnétiseurs en spécialistes… Pour quel résultat ? Pour qu’elle continue à enfler comme une baudruche qui finira bien par éclater si elle continue à gonfler de la sorte !? Elle n’a reçu que des leçons de morale de chaque praticien. Après un sermon sur le fait qu’il fallait qu’elle arrête tout bonnement de se goinfrer, ils avaient tous souhaité bon courage à sa mère en lui disant que « lorsque cette surcharge pondérale s’installe dans l’adolescence, c’est souvent trop tard. A part faire la chasse aux gâteaux et l’empêcher de grignoter entre les repas, on ne peut rien faire. » Sa mère exige d’être présente lors des consultations et répond toujours à sa place, faisant des commentaires qui ne manquent pas d’influencer le jugement de ces médecins qui ne font jamais aucun cas de l’adolescente. Une seule généraliste, très à l’écoute et attentive à la jeune fille, avait essayé de faire comprendre à la marâtre qu’il était essentiel que Charlie voie un psychologue ou, mieux, un psychiatre, car les problèmes de surpoids sont souvent provoqués par un traumatisme ; la mère avait répondu que personne dans la famille n’était timbré et que triturer dans la tête de sa fille ne risquait pas de faire fondre sa graisse. Pourtant la jeune fille, très lucide quant à ses blessures et aux causes de ses sinistres rituels gargantuesques, avait demandé à sa mère de lui prendre un rendez-vous. Jennifer s’était moquée en disant qu’ainsi elle se ferait peut-être enfermer chez les fous et qu’elles en seraient alors débarrassée. Une chose était certaine : Charlie ne pouvait pas réfréner ses ardentes fringales sans aide. Le moindre stress, la moindre angoisse, la moindre contrariété, la moindre joie aussi, lui donnaient envie de se plonger dans un océan de gourmandises. Et elle était très souvent stressée, angoissée, contrariée… beaucoup moins fréquemment heureuse. Mais manger était tout à la fois un baume sur ses blessures et un corrosif qui les laissaient à vif.


Perdue dans ses lugubres souvenirs, Charlie n’a pas vu le temps passer et n'a même pas pris la peine de se doucher et se changer. Elle entend frapper à la porte de la chambre et Nathalie crier « J’arriiiiiive ! Une minute !!! » Regardant son téléphone portable, Charlie constate qu’il est temps de se dépêcher pour aller… manger ! Un soulagement ! Un calvaire ! Elle sort de la salle de bain au moment où Nathalie, superbe dans sa robe rouge, ouvre la porte d’entrée. L’agencement des lieux donne alors lieu à un télescopage des personnages : Nathalie a juste le temps de reculer pour ne pas prendre le coin de la porte de salle de bain dans l’œil, Charlie franchit la porte de la salle d’eau et se retrouve nez à buste avec Antoine ! Décidément la soirée ne pouvait pas plus mal se dérouler.


Si la description de Nathalie a pu donner une idée d’un idéal féminin quoiqu’encore adolescent, celle d’Antoine a de quoi provoquer pamoisons amourachées chez les jeunes filles et admirations envieuses chez les jeunes gens de son âge, souvent bien moins gâtés que lui par Capricieuse Dame Nature. Antoine était, est et resterait, le type-même du bel athlète adorable : métis antillais à la peau couleur caramel, immense (déjà 1m83 à 15 ans !), un sourire éclatant en permanence illuminant son visage, champion régional de triathlon, drôle et sympathique avec tout le monde sans distinction. Et Charlie sort de la salle de bain, sans s’être ni lavée ni changée après les 24 heures de bus, et elle lui rentre dedans comme une semi-remorque emboutirait une Ferrari !!! Elle souhaite se faire toute petite et se recule pour laisser entrer le jeune homme tout en s’excusant timidement ; dans le même temps, celui-ci fait quelques pas en arrière en riant, et lui fait un signe galant de la main pour la laisser passer de la salle de bain à la chambre sans encombre. Charlie se sent au supplice. Elle se demande si elle sent la transpiration, si elle lui a fait mal ou l’a dégoûté en le heurtant avec le bourrelet de son ventre, si elle va pouvoir survivre à cette scène digne de ses pires cauchemars… Nathalie, quant à elle, est radieuse ! Elle bavarde avec Antoine sans prêter attention à Charlie qui ne sait pas où se cacher dans cette chambre minuscule.


Sortant de sa sidération, Charlie écoute la conversation des deux « canons » de la classe. Antoine demande à Nathalie si elle est prête pour « faire la teuf » et rit en parlant du professeur d’Histoire qui semble encore plus excité que les élèves. Nathalie répond qu’elle a juste son sac à prendre, se regarde dans le miroir, replace dans son foulard une petite boucle sauvage qui lui tombe sur le front et se dit prête à descendre dîner puis à aller danser. Charlie reste stupéfaite. Qu’est-ce donc que cette histoire d’aller danser et de prof d’Histoire qui se met dans tous ses états ?


Antoine fait passer Nathalie devant lui et, avant de refermer la porte, demande à Charlie : « Charlie ? Tu ne descends pas avec nous ? Il va être l’heure de manger et les prof veulent annoncer à tout le monde le programme surprise de la soirée. Enfin, surprise… L’info a fuité rapidement ! Haha ! » Charlie répond qu’elle n’est au courant de rien et qu’elle n’a pas encore eu le temps de se doucher (« Comme s’il ne l’avait pas senti… J’suis sûre que je sens la transpi… Mais pourquoi je n’ai pas pris ma douche au lieu de râler toute seule dans mon coin ??? Je me maudis !? »). Antoine lui apprend alors que le pétillant jeune Monsieur Martin est parvenu à offrir une soirée boum à tout le monde : un petit espace discothèque fait partie de l’hôtel, et, comme le lendemain est dévolu à la plage et au repos, il a convaincu ses collègues de laisser danser les jeunes qui le souhaitent jusque 23h30. Le jeune enseignant s’était bien sûr proposé pour surveiller la classe et pour veiller à rapatrier les adolescents dans leurs chambres à l’heure imposée. Nathalie, passant la tête près d’Antoine pour se faire entendre de sa colocataire, lance à Charlie « Je pensais que tu savais. C’est Émilie qui m’a prévenue par SMS tout à l’heure. Elle l’a appris par Mattéo qui a entendu M. Martin plaider cette cause auprès de la prof de français. Il paraît qu’elle faisait sa mine pincée des grands jours ! Hihi ! »


La pauvre Charlie ne sait pas quoi répondre : elle n’est pas prête du tout ni pour le dîner ni, qui plus est, pour une soirée !!! Elle a bien pris une robe, achetée en cachette de sa mère, en prévision de la petite soirée de fin de séjour mais… en admettant qu’elle ait le courage de la porter, elle mettrait 1000 ans avant d’être présentable même en se dépêchant ! En outre, elle ne pourrait pas fermer la fermeture éclair de sa robe toute seule. ll lui faudrait demander l’aide de Nathalie : « La honte assurée ! Mais quelle horrible soirée ! » Un peu paniquée par toutes ces informations, par l’impatience manifeste de Nathalie de se rendre, au bras d’Antoine, au rez-de-chaussée et par la présence de son très séduisant camarade, elle se sent interdite et ne sait quoi répondre.

Choix 1

Charlie craint que cela soit une invitation piège et décide de rester seule dans la chambre

Choix 2

Charlie se rend à la soirée avec les autres

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