Charlie 2
Charlie ne se laisse pas faire et décide de répondre à ses harceleurs


Les mots se pressent entre ses lèvres, et, sans qu’elle puisse les retenir, réussissent à passer la barrière de sa timidité. La voici alors qui répond d’une voix forte et goguenarde à celui qui souhaite tant assurer le rôle de bouffon de la classe : « Dommage qu’on n’aille pas en Mongolie, j’aurais bien aimé rencontrer ta famille à toi ! » Alors que la plaisanterie de Mattéo n’avait rencontré qu’un public réduit, la riposte de Charlie est accueillie unanimement : même les professeurs d’Histoire et de grec ne peuvent masquer totalement leur amusement. Le camarade de la jeune fille n’est généralement pas la cible des moqueries, bien au contraire : à défaut d’être brillant en classe, il est passé maître dans l’art de la raillerie, voire du persiflage, à l’encontre de ceux qu’il considère comme plus faibles que lui. Dès qu’il l’avait vue, Charlie lui avait été une victime toute désignée : une fille, une fille nouvelle, une fille nouvelle en surpoids ! La panacée pour qui cherche une proie à harceler pour débuter une nouvelle année scolaire ! Il ne s’attendait pas à ce qu’elle fasse preuve de répartie, surtout avec autant de succès même au sein de sa cour habituelle. Personne ne s’y attendait, Charlie s’étant jusqu’à présent montrée très effacée, fuyant les confrontations. Afin de ne pas montrer le moindre signe de vexation ou de faiblesse, Mattéo se met à rire à son tour. Cependant, quiconque connaissait le garçon se doutait bien qu’il garderait de la rancœur envers Charlie et se montrerait peut-être encore plus cruel à l’avenir. Les petits dictateurs en herbe n’aiment guère se voir priver de leur ascendant sur les autres !
La vivacité d’esprit de Charlie devient alors sa meilleure alliée : après avoir ainsi fait taire les grotesques railleries de Mattéo, la jeune fille se fait miraculeusement de nouveaux amis parmi la joyeuse assemblée. D’autres élèves sont visés par les saillies moyennement drolatiques de l’adolescent et ne manquent donc pas de lui apporter sympathie et soutien. Les heures s’égrènent alors au rythme de rires, des siestes et des pauses déjeuners ; tout se déroule dans le calme, si l’on excepte les deux crises de vomissements incoercibles de Ludivine en proie au mal des transports et une dispute dont la cause ne put jamais être expliquée clairement par les protagonistes qui restèrent brouillés pendant une partie du séjour.
Enfin, le terme du voyage approche. L’excitation est à son comble ! Tout le monde se réveille, s’étire, commence à vouloir se lever de son siège malgré l’exhortation à la patience jusqu’à l’arrêt complet du véhicule, et le brouhaha devient rapidement assourdissant. L’enseignante de français prend alors la lourde responsabilité d’attraper le micro pour faire taire la trentaine d’adolescents impatients et annoncer le système de répartition dans les chambres. Pour couper court à toute velléité de chahut, disputes, litiges ou jalousies, les professeurs ont pris la décision de procéder à un partage alphabétique au sein des chambres. Par ailleurs, le premier étage de l’hôtel a été réservé pour les filles, le second pour les garçons. Un sermon de la professeure insiste sur la très ferme interdiction de sortir des chambres après 22h00 et aux adolescents des deux sexes de se retrouver sous couvert de la nuit. Les récriminations envahissent l’autocar : chacune et chacun avait déjà décidé avec qui « se mettre » dans leur chambre au gré des affinités. Éléonore et Camille ont de la chance car leurs noms de famille se suivent et elles peuvent donc rester ensemble comme elles l’avaient prévu. Charlie a, comme souvent, moins de chance : la très jolie, fort populaire et passablement méprisante Nathalie –« Nathou », pour les copines- sera sa colocataire. Cette dernière ne semble pas ravie non plus par cette annonce : elle affiche une mine boudeuse particulièrement explicite quant à ses calculs de non-fraternisation avec sa compagne de chambre. Or, il faut insister ici sur le fait que Nathalie est jolie, Nathalie est fine, Nathalie plaît aux garçons, Nathalie a du style ; en outre, Nathalie fait partie des meilleures de la classe. Nathalie est une sorte de Jennifer mais beaucoup plus maligne. Aussi, Nathalie pourrait-elle devenir le pire cauchemar de Charlie.
Durant le dîner, alors que les bâillements se multiplient, Charlie fait part de ses craintes aux Siamoises quant à sa voisine de chambre imposée, puis reparle de l’incident survenu avec Mattéo. Ce dernier est surnommé le « Mongol grec » depuis la veille et ne semble pas trop apprécier cette conséquence de la répartie de Charlie. Depuis la table où il est installé, il la regarde d’un air mauvais tout en ricanant avec sa bande d’amis. Éléonore tente de rassurer Charlie : entre nouvelles copines, elles se serreront les coudes ! Camille file le raisonnement de sa moitié en assurant à notre héroïne qu’elle pourra toujours venir se réfugier dans leur chambre si vraiment Nathalie fait trop sa peste mais que cela l’étonnerait : à son avis, c’est surtout un air qu’elle se donne, mais sans avoir un fond réellement méchant. Charlie, rassérénée, est très reconnaissante envers les deux amies qui sont parvenues à apaiser ses angoisses.
Le dîner terminé, il est temps d’aller se coucher. Même les plus hardis et turbulents de la classe ont les yeux qui se ferment : il faut aller se reposer pour profiter du lendemain. Le programme du premier jour du séjour a été élaboré afin que les élèves (et les professeurs !) puissent se remettre de la fatigue du voyage. La matinée sera consacrée à un peu de repos et à une petite conférence sur les sites archéologiques qui seront visités durant le séjour. L’après-midi, bien plus enthousiasmant de l’avis de la majorité, se déroulera à la plage ! Charlie ne partage pas l’euphorie générale à l’idée de plusieurs heures de sable et de baignade : le maillot de bain fait partie de ce que l’adolescente considère comme l’un des pires instruments de torture imaginables !